Les enfants 
d'Elzéar Martel et d'Anna Lepage
© 1997 — Jean-Pierre Martel 

Avant-propos : En septembre 1997, plus de deux cents descendants de mes
arrières grands-parents se donnèrent rendez-vous à Joliette. Voici le texte de
l'allocution que je prononçais à cette occasion, relativement aux enfants de mes
grands-parents paternels (i.e. mes tantes et mon oncle du côté de mon père).

Des douze enfants nés du second mariage de Jean-Louis Martel, 
Elzéar, mon grand-père, fut le second des enfants, mais le premier 
à laisser une descendance à ce jour.  Cette descendance compte 84 
personnes, dont 78 sont toujours vivantes.
    Mon grand-père fut un entrepreneur. Il créa, dans le premier 
quart de ce siècle, une confiserie d'abord familiale, puis artisanale 
et plus tard, semi-industrielle.  Il fut entrepreneur à une époque où 
faire de l'argent était mal vu. À une époque où les plaisirs, dont les 
friandises, étaient plus souvent une tentation du diable, qu'une 
récompense de Dieu. Il fut surtout entrepreneur à une époque où 
les Québécois francophones avaient difficilement accès à des prêts 
bancaires.
    Le seul et l'unique amour de mon grand-père, fut Anna Lepage, 
un petit bout de femme déterminée qui, sur la photo familiale d'oc-
tobre 1917* figure au plein centre de l'image, les deux poings sur les 
hanches, comme s'il s'agissait du pilier de la famille. Pour être bref, 
ma grand-mère était favorable à la dictature du prolétariat dans la 
mesure où elle était mandatée pour l'exercer.
    Le premier enfant né de leur union fut Juliette en 1906.  Ma tante 
Juliette fut la première à s'intéresser à la généalogie dans notre 
famille. Je me rappelle encore de ce petit calepin noir dans lequel 
étaient inscrits les noms de tous mes ancêtres jusqu'à Honoré 
Martel.
    Le deuxième enfant d'Elzéar vécu moins d'un an. Le troisième fut 
Cécile, qui entra à l'âge de 21 ans dans la communauté des soeurs 
de l'Immaculée-Conception. Une bonne partie de sa vie active fut au 
service de la population des Philippines, à titre de religieuse.  Tou-
jours infatigable, toujours souriante, ma tante Cécile, à l'âge de 83 
ans, est le prototype de l'aînée dynamique et enthousiaste. Sa foi 
inébranlable serait-elle plus puissante que tous les médicaments 
que nous, pharmaciens, vendons aux aînées pour les conserver en 
vie, mais pas trop ?
    Des neuf enfants nés d'Elzéar Martel et d'Anna Lepage, trois 
furent conçus au cours de la première Guerre mondiale. On peut 
donc conclure qu'au cours de ce conflit armé, mon aïeul enregistra 
sa présence non seulement au front (de son épouse) mais égale-
ment dans les tranchées, si on me permet l'expression militaro-
érotique.
    La première de ces trois enfants de la guerre fut Ida. C'est elle 
que mon grand-père Elzéar tient dans ses bras sur la photo d'octo-
bre 1917. Aujourd'hui membre de l'Ordre du Saint-Sépulcre, ma 
tante Ida est une sainte. Non seulement a-t-elle visité la Palestine 
pour y voir de ses propres yeux les lieux où vécu le Christ, mais sa 
Sainteté le Pape Jean-Paul II se confesse à elle. On me dit que tout 
le Paradis est sur le qui-vive. Tout y brille de propreté : on ne sait 
pas quand Ida y fera son entrée. Dès descendants d'Elzéar, 23 
d'entre eux, soit près du tiers, sont plus précisément des 
descendants d'Ida.
    Le deuxième des enfants de la guerre fut mort-né. Le troisième 
fut mon père Jean-Paul. Il est né environ un an après la photo de 
1917. Mon père fut également un entrepreneur, qui perpétua l'oeu-
vre commerciale d'Elzéar. Mon père fut d'abord un humaniste ; 
spirituel, parfois cabotin, il fut pour ses employés le patron modèle. 
Un patron dont même les contrariétés étaient dépourvus de violen-
ce. Il sut malgré tout maintenir son autorité sans cesser d'être un 
ami respecté. Pour ses enfants, mon père fut un modèle que même 
adolescent, on ne pouvait s'empêcher d'imiter. Pour son épouse, il 
ne cessa jamais d'être l'amant attentif et respectueux. Et ce, bien 
avant que ce ne soit à la mode. Passons à tante Lucienne.
    En créant le septième enfant d'Elzéar, Dieu se fit plaisir. Pourquoi 
pas une jeune fille déterminée tout en demeurant calme, intelligente 
sans être arrogante, belle sans susciter la jalousie? Bref, un modè-
le d'équilibre. Hôtesse de renom, Lucienne s'est spécialisée dans 
l'accueil ecclésiastique.  Le tout Joliette en chasuble s'y donne 
rendez-vous. C'est dans son salon que s'échangent les plus nobles 
bénédictions mutuelles. À eux seuls, ses petits sablés au beurre 
valent trois indulgences plénières chacun. Si un jour Ida est cano-
nisée, ce sera grâce à l'influence de Lucienne. Mais maintenant 
passons à la branche féconde de notre famille.
    Dans l'arbre généalogique d'Elzéar, cette branche qui plie sous le 
poids des fruits qu'elle porte, c'est la branche de tante Jeannette. 
En raison de leur importance démographique, chez les Hétu on 
trouve de tout. Cherchez-vous quelqu'un pour réparer un appareil 
ou un immeuble abîmé? Aimeriez-vous que dans votre salon on y 
chante l'opéra parce que vous souffrez d'insomnie ? Aimeriez-vous 
correspondre avec un chercheur ou un diplômé d'une discipline 
rare et pointue ? Ne cherchez plus : les Hétu sont là! Si un jour, une 
bombe thermonucléaire devait détruire l'Humanité tout entière mais 
épargner miraculeusement les Hétu, eh bien notre civilisation, 
pourtant anéantie, pourrait être reconstruite de A à Z à partir des 
talents des Hétu. Phénoménal !
    Pour terminer, mon oncle Roger. Mon oncle Roger, c'est la bonté 
incarnée. Jamais un éclat de voix. Jamais de méchanceté. À l'épo-
que où on était certain d'aller au Ciel si un de ses enfants devenait 
religieux, l'enfant Roger se sacrifia afin d'assurer le salut de sa 
mère. Après le décès de celle-ci, c'est-à-dire après que sa mère fut 
admise au Ciel, après surtout s'être assuré que celle-ci en eut pris 
le contrôle, Roger revint à la vie civile pour épouser sa douce 
Agathe. Comme si Dieu, craignant que toute la pourriture de Monde 
ne corrompe la bonté et la douceur, deux de ses plus belles quali-
tés, avait décidé de les cacher en les réunissant secrètement dans 
le même couple. 
    Voilà en quelques mots, ma petite famille. J'espère ne pas trop 
vous avoir ennuyés.
*— La photo dont il est question est celle de Jean-Louis Martel, d'Élodie Lacasse et de leurs enfants,
      prise en octobre 1917 (disponible au menu principal).

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