Le Téléjournal de Radio-Canada

LE TÉLÉJOURNAL AVEC BERNARD DEROME !
— Bonsoir Mesdames et Messieurs. En manchette ce soir : 
Nouvelles démissions à l’Ordre des pharmaciens du Québec. Eh 
bien oui, on apprenait en fin de journée qu’un troisième cadre de 
cette Corporation professionnelle, le troisième en quelques mois, 
avait remis sa démission. Il reste donc quatre pharmaciens en 
fonction — ou du moins il en restait quatre il y a quelques minutes. 
À ce sujet, nous avons deux reportages : celui de M. Méo Patsy, 
mais d’abord celui de Réal Toutant, directement du siège social de 
l’Ordre.
— Bernard, coup de théâtre cet après-midi : après quelques 
semaines d’intérim à la présidence de l’Inspection professionnelle, 
Madame Anne-Marie Beaudoin claquait les portes.
— Brièvement, ça fonctionne comment à l’Ordre ?
— Difficilement, Bernard : ceux qui restent assument les services 
essentiels. C’est ainsi que Mme Marsolais voit à ce que les 2 526 
secrétaires de l’Ordre déposent bien la correspondance dans la 
chute au courrier, et non dans l’incinérateur juste à côté. A l’inverse, 
le syndic s’occupe de poursuivre les secrétaires qui brouillent les 
codes postaux en jetant leurs serviettes sanitaires dans la malle. 
Quant au pharmacien MacDonald, le rédacteur de la McOrDonnance, 
il essaie de présenter de la manière la plus positive possible les 
récentes démissions. Et pour ce que est de monsieur Desautels, il 
s’occupe tout simplement du reste, dans ses temps libres.
— Qu’avez-vous appris au sujet des démissions ?
— Peu de choses, Bernard, les démissionnaires ayant refusé tout 
commentaire. Mais le président de l’Ordre, à l’occasion de sa 
conférence de paresse hebdomadaire, en a profité pour annoncer 
les mesures qu’il entend prendre afin d’assurer que la Corporation 
professionnelle ne manquera pas d’officiers supérieurs. D’abord on 
accordera une prime alléchante à quiconque fera au moins trois 
mois à la présidence de l’Inspection professionnelle. De plus, 
désormais c’est à l’Ordre que les étudiants devront effectuer leur 
stage d’internat. Cette dernière mesure, surtout, devrait solutionner 
tous les problèmes de personnel de cette corporation pour les vingt 
prochaines années. C’était un reportage de Réal Toutant, du siège 
social de l’Ordre des pharmaciens du Québec.
— Maintenant, selon des sources généralement bien informées, 
les étudiants en pharmacie auraient très mal accueilli l’annonce de 
ce nouveau stage obligatoire à l’Ordre. En effet, en apprenant la 
nouvelle, les internes ont unanimement décidé de se suicider. À ce 
sujet, allons rejoindre notre reporter, M. Méo Patsy, directement au 
pont Jacques-Cartier. Alors Méo, que se passe-t-il ?
— Eh bien Bernard, les plongeurs s’affairent présentement à 
repêcher les corps des 200 internes en pharmacie. Toutes les voies 
du pont sont fermées à la circulation. Un grand nombre de collègues 
reporters s’entassent sur… Bernard ! Qu’est-ce que j’aperçois? Mais 
oui, parmi les flashes des caméras, c’est bien lui. Je le reconnais: 
c’est le président de l’Ordre. Je m’approche de… Excusez… Je suis 
presque rendu… Oups, excusez-moi… Monsieur Marquis, dites-moi : 
quelles sont vos premières impressions ?
— C’est malheureux à dire, mais je pense que les internes n’ont 
pas bien compris le sens de notre règlement. On leur demande juste 
de travailler un peu à la Corporation. Pourquoi se jeter à l’eau ? Un 
petit stage à l’Ordre, c’est pas la mer à boire. Bref, tout cela n’est 
qu’un regrettable malentendu. Et je peux vous promettre, de tout 
mon coeur, que dorénavant…
— …Est-ce vrai que vous avez des problèmes avec votre 
personnel ?
— Absolument pas. Quels problèmes ? Ce matin, alors que je 
rencontrais Bourassa afin de le sensibiliser au sujet de notre 
nouveau tapis à l'Ordre, j’ai appris une nouvelle qui prouve au 
contraire le désir de certaines personnes de compter parmi nos 
employés. On m’a dit qu’un pharmacien purgeant un emprison-
nement à perpétuité, a manifesté sa volonté de devenir cadre à 
l’Ordre à l’issue de sa peine et dès qu’on aura guéri son SIDA. Et je 
peux vous promettre…
— …En apprenant cela qu’avez-vous fait ?
— Encouragés par cette nouvelle, nous avons résolu de simpli-
fier considérablement le travail du personnel pour rendre les postes 
encore plus attrayants. Oh, vous ne pouvez pas savoir comment je 
suis fier du travail extraordinaire que nous avons accompli. Et je 
peux vous prom…
— Quelles sont les mesures que vous avez adoptées ?
— Premièrement, au lieu que nos cadres soient obligés d’annon-
cer à chaque année que les États-généraux sont remis à plus tard, 
nous nous sommes dotés d’un ordinateur qui diffère machinalement 
cet événement, tout en l’annonçant pour bientôt. De plus, nous 
avons décidé d’acheter des limeuses automatiques qui feront les 
ongles des employés. L’ensemble des mesures adoptées devraient 
prévenir toute démission de cadre à l’Ordre en 1989, dans 
l’éventualité où il en resterait pour démissionner. Et je peux vous 
promettre…
— Merci M. Marquis.
— …de tout mon coeur, que dorénavant…
— De retour dans nos studios avec Bernard Derome.
— Sur la scène internationale, maintenant. Le Conseil de sécurité 
de l’ONU s’est réuni d’urgence ce soir en apprenant la décision du 
cabinet israélien de forcer tous les palestiniens à devenir cadres à 
l’Ordre des pharmaciens du Québec. Le chaos le plus total règne 
présentement dans les territoires occupés. De Jérusalem, écoutons 
notre correspondant…
Publié par Le Pharmacien en avril 1988
© 1988 — Jean-Pierre Martel

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